TAXONOMIE
Les salmonelles constituent un genre ne contenant qu'une seule espèce : Salmonella enterica divisée en 7 sous-espèces. La presque totalité (99,8%) des souches responsables d'infestations humaines appartiennent à une sous- espèce également dénommée enterica. On distingue près de 2000 sérovars dans cette sous-espèce, selon leur constitution antigénique. Pour des raisons historiques, car pendant longtemps les sérovars ont été assimilés à l'espèce, on désigne chaque sérovar par un nom rappelant soit son pouvoir pathogène (Salmonella Choleraesuis) soit le nom de la ville du premier isolat (Salmonella London).
L'orthodoxie taxonomique imposerait de désigner les salmonelles par les noms du genre, de l'espèce, de la sous-espèce et du sérovar (qui peut être remplacé par la formule antigénique) :
exemple : Salmonella enterica, subsp enterica, sérovar London
ou Salmonella enterica, subsp enterica, sér 3,10 : l,v : 1,6
Pour simplifier, il est admis de désigner les salmonelles par le nom du genre suivi de celui du sérovar consacré par l'usage, mais ce dernier s'écrit en caractères droits et avec une majuscule : CLASSIFICATION DE KAUFFMANN - WHITE
Cette classification repose sur la détermination des antigènes O, H, et Vi.
· Les antigènes 0, au nombre de 67, ont la structure polyosidique précédemment décrite. On les détermine par agglutination sur lame à l'aide d'immuns sérums spécifiques. Certains de ces antigènes, qualifiés de "majeurs" caractérisent un groupe de salmonelles : ainsi l'antigène O:4 définit-il le groupe B (voir tableau).
D'autres antigènes, "mineurs" leurs sont associés mais n'ont guère d'importance diagnostique.· Les antigènes H séparent les sérovars à l'intérieur de ces groupes. On les met également en évidence par agglutination sur lame. Les anticorps anti H rendent immobiles les bactéries qui portent sur leurs flagelles les spécificités qui leur correspondent.
Les antigènes H existent sous deux phases qui peuvent coexister ou non chez une même souche :- La phase 1 est désignée par des lettres minuscules, a, b, c... Au-delà de z, les antigènes portent la lettre z associée à un chiffre.
- La phase 2 est désignée par des chiffres arabes mais certains le sont également par des lettres.
Le procédé "d'inversion de phase" de Svent Gard permet d'isoler l'une des deux phases :
Les bactéries mobiles, cultivées sur une gélose appauvrie en agar (gélose "molle"), envahissent toute la surface du milieu. Si on incorpore à une gélose molle un sérum anti H spécifique d'une des deux phases représentées dans la souche, les bactéries exprimant cette phase sont immobilisées et seuls les éléments de l'autre phase sont capables de diffuser à distance du point d'inoculation où il est possible de les isoler.
· L'antigène Vi n'existe que chez trois sérovars (S.Typhi, S.Para C, S.Dublin). Sa présence peut masquer l'antigène O, rendant la souche "O inagglutinable". Cette inhibition peut être levée en chauffant la souche à 100° C, car l'antigène Vi est thermolabile.
Groupes | Sérovars | Antigène O | Vi | Antigène H phase 1 phase 2 | |
A | Paratyphi A | 1,2,12 | a | - | |
B | Paratyphi B | 1,4,5,12 | b | 1,2 | |
Wien | 1,4,12,27 | b | l,w | ||
Saintpaul | 1,4,12,27 | e,h | 1,2 | ||
Typhimurium | 1,4,5,12 | i | 1,2 | ||
Brandenburg | 1,4,12 | l,v | e,n, z15 | ||
Agona | 1,4,12 | f,g,s | - | ||
Derby | 1,4,12 | f,g | - | ||
C | Paratyphi C | 6,7 | + | c | 1,5 |
Virchov | 6,7 | r | 1,2 | ||
Infantis | 6,7 | r | 1,5 | ||
Bovismorbificans | 6,8 | r | 1,5 | ||
Goldcoast | 6,8 | r | l,w | ||
D | Typhi | 9,12 | + | d | - |
Enteritidis | 1,9,12 | g,m | - | ||
Panama | 1,9,12 | l,v | 1,5 | ||
Dublin | 1,9,12 | + | g,p | - | |
Gallinarum | 1,9,12 | - | - | ||
E | London | 3,10 | l,v | 1,6 | |
Anatum | 3,10 | e,h | 1,6 | ||
Give | 3,10,15 | l,v | 1,7 | ||
Senftenberg | 1,3,19 | g,s,t | - | ||
Meleagridis | 3,10 | e,h | l,w |
CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES
Les Salmonelles sont des entérobactéries et en possèdent les caractères généraux.
Elles sont bêtagalactosidase - ,uréase - , indole - , lactose - , H2S +, citrate +.
Certains sérovars ont des caractères particuliers.
POUVOIR PATHOGÈNE
Les salmonelloses peuvent donner lieu à trois types de manifestations cliniques.
- Des formes bactériémiques, strictement humaines, qui sont les fièvres typhoïde et paratyphoïde dues à Salmonella Typhi, Para A, Para B et Para C. Ce sont des bactériémies à point de départ lymphatique.
- Des toxi-infections alimentaires donnant lieu à des gastro-entérites dues à tous les autres sérovars mais également à Para B et C
- Des manifestations extra-digestives dans lesquelles divers sérovars sont en cause et qui sont plus fréquentes chez les sujets fragilisés :
- bactériémies non typhoïdiques,
- infections pleuro-pulmonaires,
- atteintes otéo-articulaires : arthrites septiques ou réactives, ostéomyélite, ostéite,
- infections cardio-vasculaires : péricardites, artérites, infections sur prothèses,
- infections urinaires,
- infections abdominales : cholécystites, abcès du foie, abcès de la rate,
- infections du systèmes nerveux central : méningites, abcès du cerveau, hématome sous-dural infecté, abcès épidural
Les salmonelles ont un pouvoir entéro-invasif et pénétrent dans les cellules de la muqueuse intestinale.
Selon la conception de Reilly, les souches à propagation bactériémique se multiplient dans les ganglions mésentériques et passent dans la circulation sanguine occasionnant la bactériémie ou sont détruites sur place et libèrent l'endotoxine responsable des troubles nerveux et végétatifs de la typhoïde.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les Salmonelles sont éliminées par les matières fécales et résistent bien dans le milieu extérieur. L'homme est contaminé par voie digestive.
Les sérovars responsables des fièvres typhoïdes sont strictement humains et le seul "réservoir de virus" est l'homme lui-même, malade, convalescent ou porteur sain. Ces contaminations interhumaines expliquent la survenue des cas de fièvre typhoïde par petites épidémies ; elles sont directes, autour d'un malade, ou le plus souvent indirectes par ingestion d'aliments souillés par les excréta. Une hygiène alimentaire défaillante augmente donc le risque de survenue de la maladie.
Les sérovars responsables de gastro-entérites sont très répandus dans le monde animal et les animaux domestiques ou d'élevage sont à l'origine des contaminations humaines. L'infestation se fait également par voie digestive, par consommation d'aliments souillés consommés peu cuits : laitages, viandes, oeufs, coquillages, crudités arrosées etc...
Une source d'extension importante, particulièrement en milieu hospitalier, est le contage "manuporté" autour de nourrissons atteints qui éliminent des salmonelles dans les couches.
Les salmonelloses sont plus fréquentes à la fin de l'été ou au début de l'automne, au retour des vacances. Les voyages dans les pays chauds, le mode de vie "près de la nature", la consommation de produits "naturels" ou "du terroir" non aseptisés augmentent les risques d'infestation.
DIAGNOSTIC BIOLOGIQUEOn cherche les Salmonelles, essentiellement par hémoculture ou par coproculture mais d'autres prélèvements peuvent en contenir.
L'identification biochimique doit précéder toute tentative de détermination du sérovar qui se fait par agglutination sur lame à l'aide d'immuns sérums.
Sur des colonies isolées, on recherche d'abord l'antigène O de groupe puis à l'aide du tableau de Kauffmann White, on étudie les spécificités H dans une phase puis dans l'autre. Si on ne peut mettre en évidence qu'une phase, il faut rechercher l'autre par le procédé de Svent Gard ou inversion de phase qui consiste à cultiver la souche sur une gélose molle dans laquelle sont incorporés des anticorps dirigés contre la phase déjà mise en évidence. (voir ci-dessus)
Le sérodiagnostic d'une fièvre typhoïde ou sérodiagnostic de Félix consiste à rechercher les anticorps du malade en présence de suspensions antigéniques O et H de S. Typhi, Para A, B et C. Les anticorps anti O apparaissent les premiers mais disparaissent plus vite, les anticorps anti H persistent plus longtemps. L'analyse des résultats permet de suspecter l'agent causal et de fixer la date de l'infection.
TRAITEMENT
Les Salmonelles sont généralement sensibles aux antibiotiques actifs contre les bacilles à Gram négatif. Certaines résistances sont possibles et impliquent la pratique d'un antibiogramme.
Les fièvres typhoïdes sont actuellement traitées par une céphalosporine de troisième génération et en particulier par la ceftriaxone (traitement de référence), mais les fluoroquinolones sont également utilisées chez l'adulte.
Les gastro-entérites relèvent essentiellement d'un traitement symptomatique comprenant régime et réhydratation. Une antibiothérapie (sulfaméthoxazole-triméthoprime, fluoroquinolones) n'est utile que dans les cas graves.
VACCINATION
Le vaccin TAB (pour Typhi, para A, para B) est constitué d'un mélange de Salmonella Typhi, Paratyphi A et Paratyphi B tuées par la chaleur et le phénol. La vaccination se fait en trois injections avec rappel ; elle est assez mal supportée à cause de la grande quantité d'endotoxine qu'elle apporte et son efficacité est incomplète. Elle n'est obligatoire que pour les sujets exposés (personnel de santé).
Depuis plusieurs années, un vaccin injectable, constitué d'un extrait du polyoside capsulaire Vi purifié de Salmonella Typhi est disponible (Typhim Vi ). Il se pratique en une seule injection, est bien supporté et protège pour une durée de trois à cinq ans. Il est recommandé aux voyageurs en partance pour les contrées où la typhoïde est endémique. La protection qu'il confère se limite à la fièvre typhoïde à l'exclusion des paratyphoïdes et des autres salmonelloses.
Des vaccins vivants administrés par voie orale sont (toujours) à l'étude.
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